Tunisie, Egypte, Islande, Argentine, Espagne?
Espagne – Nous exerçons notre droit à nous indigner
Médiapart – Extraits- 19 Mai 2011 Par Ludovic Lamant
Des vents d’air frais, venus d’Islande et des pays arabes, soufflent sur une Espagne ravagée par la crise économique. A quelques heures d’élections locales qui s’annoncent difficiles pour le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, des dizaines de milliers de jeunes «indignés» se rassemblent, chaque jour, sur la place de leur ville, pour crier leur rejet de la classe politique espagnole, qu’ils jugent corrompue et incompétente.
Le mouvement très hétéroclite, né le 15 mai dernier (d’où son surnom de movimiento 15-M), exhorte à mettre en place une «¡democracia real ya!» – «une vraie démocratie maintenant!». La «spanish revolution» est en marche, pour reprendre l’un des hashtags les plus prisés sur le réseau Twitter, et son manifeste est déjà en ligne.
A en croire le site toma la plaza («occupe la place»), qui répertorie ces actions, et revendique l’«esprit de la place Tahrir» du Caire, le phénomène touche près d’une trentaine de villes d’Espagne. A Madrid, où la contestation est la plus vive, des milliers d’entre eux se sont emparés de la Puerta del Sol, cœur politique et touristique de la capitale (voir ici une galerie de photos du «campement»). «Nous sommes des chômeurs, des mileuristas (ces salariés qui ne gagnent pas plus de mille euros par mois – ndlr), des femmes au foyer ou des migrants», a résumé l’un d’eux mardi, lors d’un discours à la foule, selon le compte-rendu du quotidien El Pais. «La classe politique vit loin des citoyens. Nous exerçons notre droit à nous indigner.» Et à prôner les vertus de la démocratie participative et horizontale: (vidéo)
Ils se disent «indignés», en référence au best-seller Indignez-vous!, de l’incontournable Stéphane Hessel – quivient d’être traduit aux éditions Destino, et connaît un vif succès aussi de l’autre côté des Pyrénées (¡Indignaos!). (…)
C’est «une jeunesse sans avenir» qui s’empare de la rue, selon le nom d’une des plateformes aux avant-postes de la contestation, c’est-à-dire «sans maison, sans boulot, sans retraite, sans peur». (…)
A l’approche des élections municipales et régionales du 22 mai, la principale revendication de ces «indignés» pourrait peser: ils réclament la fin du bipartisme, et des deux grands partis qui se partagent le pouvoir en Espagne depuis le retour de la démocratie – le Parti socialiste ouvrier de Zapatero (au pouvoir) et le Parti populaire de Mariano Rajoy (PP, droite, favori des sondages), auxquels s’ajoute la formation catalane CiU (droite, au pouvoir).
«No les votes», clame un autre collectif («ne votez pas pour eux»), qui s’en prend tout à la fois aux scandales immobiliers et à la corruption des élites, à leur politique de soutien, officiel ou officieux, aux banques du pays, ou encore au système électoral qui favoriserait, selon eux, les grands partis. Une consigne qui vaut à cette «génération perdue» un autre surnom dans la presse espagnole, celui des «ni-ni». (…)
La mobilisation pourrait d’ailleurs se radicaliser d’ici au scrutin de dimanche: les autorités madrilènes ont jugé, mercredi en fin d’après-midi, qu’il n’existait pas de «circonstances extraordinaires et graves» qui puissent justifier un tel rassemblement sur la Puerta del Sol. Elles ont donc exigé le départ des manifestants, et cinq cents policiers supplémentaires ont été dépêchés sur les lieux. Les «indignés», eux, n’ont pas bougé: «Ils n’ont pas peur parce qu’ils n’ont rien à perdre», résume Isaac Rosa. Le bras de fer est engagé.
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