Hommage à Michel Boujut – Mon colonel, j’ai pris la grave décision de déserter
Michel Boujut est mort dimanche 29 mai. Depuis la fin de l’année 2009, il contribuait régulièrement à Mediapart: son blog est à retrouver ici.
En janvier, il avait publié un livre dont nous avions rendu compte ci-dessous. A tous ses proches et amis, Mediapart présente ses condoléances.
«Mon colonel, j’ai pris la grave décision de déserter» par Antoine Perraud
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Reprise du 24 Mars 2011 sur le blog de Michel Boujut
Aujourd’hui comme hier
«Les Français veulent que la France reste la France.» C’est, comme on sait, Claude Guéant, manipulateur déboussolé par la déroute de son camp, qui est l’auteur de cette phrase aussi stupide qu’abjecte, il l’a pesée et soupesée avant de la prononcer. Pas un dérapage, donc, ni une provocation, mais bien le fond de sa «pensée». Suivez le regard (torve) de ce gribouille de la Sarkozie en pleine cacophonie. A qui le nouveau ministre de l’Intérieur délivre-t-il son message d’exclusion, sinon aux électeurs du FN dont il emprunte le vocabulaire, les obsessions et les fantasmes. A l’en croire, la France, «cher pays de notre enfance», serait menacée d’une perte d’identité par l’invasion de hordes étrangères? «La France aux Français» clamait naguère un leader d’extrême droite, père d’une fille pas «maladroite» elle non plus. Bref, on ne connaît que trop la chanson. Elle vient de loin.
Ces couplets fangeux, rappelons-le, nous viennent en droite ligne des Ligues fascistes d’avant-guerre dont certains chefs de file aux idées courtes allaient se retrouver comme par hasard tels des poissons dans l’eau (de Vichy) autour du maréchal Pétain. Ils sont tous là dans un exemplaire aux photos jaunies en date de novembre 1935 du journal «les Hommes du jour», exhumé tout à point de mes archives familiales. L’édito les désigne comme les «naufrageurs de la France pour qui la patrie n’est qu’un alibi et un masque». Inspirés par les «grands ancêtres», Edouard Drumont, Charles Maurras et Léon Daudet, ce sont eux qui ont tenté avec leurs troupes de prendre le pouvoir, quelques mois auparavant, lors de la sanglante émeute du 6 février 1934, place de la Concorde, dont le but avoué n’était autre que d’abattre la République tant honnie.
Revue de détail de ces Messieurs. Le bonapartiste Pierre Taittinger, magnat du champagne, est le «führer» (sic) des Jeunesses patriotes spécialisées dans les raids en camion vers les banlieues rouges. Le mégalomane François Coty, parfumeur et propriétaire de journaux, est le fondateur de la Solidarité française. Le douteux Marcel Bucard, journaliste d’officine et authentique nazi, est à la tête des Francistes en chemises brunes que subventionnent largement les grands frères allemands. Il affirme haut et fort au demeurant œuvrer pour que «la France reste la France». Le colonel de La Rocque, lui, cornaque les Croix de Feu, organisation paramilitaire financée par les maîtres de forges. Credo de ceux dont la boutonnière s’orne d’une tête de mort: «Nous voulons la France française»…
Voilà qui confortera sans doute le chafouin Claude Guéant dans sa croisade identitaire. Il devrait s’enorgueillir d’être l’héritier d’aussi dignes idéologues ! Sans la connaissance du passé, pas de compréhension du présent, n’est-il pas vrai ?