CADARACHE : atomisation du code du travail dans les méandres de la sous-traitance des chantiers du nucléaire
Le Collectif de Résistance et d’ Intervention de Manosque – CRIC – avec l’aide du Collectif de Résistance et d’intiative Populaire de Forcalquier – CRI- Pop -, s’attaque à un gros morceau : les magouilles financières et politiques sur les chantiers engageant l’Etat, la Région, le département, les organismes public ou semi-public… Evidemment nos moyens d’investigation sont limités. Mais nous bénéficions de témoignages précieux, et de première main.
Quand les sources sont fiables les résultats sont au rendez-vous.
Vu la complexité des différents montages crapuleux, concernant principalement le détournement du code du travail et les détournements de cotisations sociales, nous ne serons pas en mesure de vous livrer des résultats avant la rentrée de septembre.
Si votre curiosité est à la hauteur des magouilles qui fleurissent dans le doux pays ensoleillé et vallonné de J.Giono, ces prochains cours d’instruction civique par la mise en lumière des arnaques au code du travail vous passionneront….
Interview de Christian Ribaud, délégué syndical à la CGT, représentant du personnel à l’Unité Locale Confédération Général du Travail de Saint Paul-lès-Durance.
Christian Ribaud a travaillé pendant 7 ans à Cadarache – jusqu’au 30 Juin 2011 – au service de fabrication de combustible pour les réacteurs embarqués dans la marine. Militant CGT depuis les années 70, il défend les positions de ce syndicat et veille aux respect des statuts historiques de la CGT, la défense de tous les travailleurs.
Rappel des statuts : La défenses des intérêts de tous les travailleurs contre toute forme d’exploitation…
Extraits de l’interview
Alain : Tous les jours on découvre de nouveaux dangers sur les chantiers du nucléaire liés à la sous traitance. De quoi peux tu témoigner sur ce sujet ?
Christian: ce que dénonce la CGT depuis… un bail sort actuellemment dans la presse qui a bien expliqué les mécanismes sur le chantier de Famanville. Les enquête administratives et/ou judiciaires se multiplient.Pour ma part j’ai vécu cela de près d’ avril 2009 à juin 2010 sur le chantier RJH à Cadarache.
Alain : RJH ? En langage que tout le monde peut comprendre Stp…
Christian: Le Réacteur Jules Horovitz sous le contrôle du Commissariat à l’Energie Atomique – CEA – est un gros, très gros chantier destiné à la construction d’un réacteur de type particulier destiné à la médecine nucléaire. Mais pour l’instant ce n’est qu’un chantier… terrassement, ferraille et béton. Mise en chantier fin 2009 et il va encore s’étaler sur 7 ou 8 ans..
Et comme sur tous les chantiers, il y a cascade de sous traitants et troupes de personnels intérimaires.
Donc un jour, des salariés sont venus se plaindre qu’il n’étaient pas payé depuis près de 2 mois, et qu’ils n’avaient tout simplement pas de quoi bouffer. Ces travailleurs jetables avaient un profil plutôt particulier : tous de nationalié portugaise, donc ressortissants européens, ils avaient sans exeption la peau noire, car originaires d’ex-colonies portugaises, la Guinée Bissau et le Cap Vert – le peuple bissau-guinéen a vu sa proclamation d’État en 1973 à l’ONU- soit bien après la Révolution des Oeillets. Eux n’étaient pas Bissau Guinéens, ils avaient des cartes d’identité portugaises.
Donc voilà ces gars qui prennent contact avec nous faute d’être payés, contraints de se nourrir de baguette de pain blanc et de concombre parce que leur payes précédentes, ils les avaient déjà envoyées à leur famille. Et on constate qu’ils sont logés à 9 dans un 70 mètres carrés insalubre ( WC HS, lits de camp, mobilier récupéré dans des poubelles ou à peu près..) en centre ville de Manosque. Pour cet appart minable l’employeur prélevait 25 Euros par personne et par jour… un loyer supérieur à 6000 Euros ! Plus de 10 fois le prix du marché !
Alain : Sur un chantier ultra-technique, avec le CEA comme maître d’ouvrage et AREVA comme maître d’oeuvre, les employeurs se comportaient en négriers avec une main d’oeuvre non qualifiée…
Christian : Ces gars avaient été embauchés en Intérim. Parce qu’ils étaient noirs, pauvres, soumis, afin d’effectuer les tâches les plus dures et les plus ingrates au ferraillage du radier au normes anti-sysmiques, destiné à recevoir un réacteur nucléaire…; mais qui n’avaient pas le droit d’utiliser les instruments de levage pour apporter les rouleaux de ferraille et qui se les portaient sur le dos. Des employés qui ne pouvaient pas se permettre de discuter les conditions de travail. Parmi eux, certains étaient très diplomés. L’un deux était ingénieur agronome et trilingue. Mais ce n’était pas des gars du bâtiment.
Alain : Mais qui était leur employeur ?
Christian : Une société portugaise d’intérim TRAVEL-WORKS sous traitant du personnel pour la société de ferraillage SAMT de Saint Chamas, grosse entreprise locale de la famille Thirion. Une boîte qui communique sur son savoir faire avec le barratin habituel*. Cette société SAMT est elle même sous traitante de l’entreprise RAZEL
Alain : Qu’a fait la CGT quand elle a été mise au courant ?
Christian : La CGT de Manosque a joint le correspondant français de Travel-works par téléphone, un certain monsieur Carlos, en le sommant de payer les gars au plus vite. La réaction de Travelworks ne s’est pas fait attendre : pressions et intimidations sur les malheureux pour qu’ils déguerpissent et filent au Portugal. Deux costauds ont débarqué dans leur appartement à 2 heures du matin afin qu’il déguerpissent, envoi d’un huissier pour leur faire signer un papier stipulant la fin de leur contrat de mission… Pas de bol pour les négriers de Travel-works nous nous sommes relayés pour soutenir financièrement et psychologiquement ces intérimaires, des travailleurs déracinés, mis dans cette impossible situation. Au Portugal les familles étaient entrées en contact avec Travel-works pour demander pourquoi les hommes n’envoyaient plus d’argent. Travel-works leur à répondu que les gars avaient quitté le chantier et qu’ils ne savaient pas où ils se trouvaient…. les laissant penser qu’ ils avaient disparu dans la nature, plaquant femmes et enfants. Celui qui était responsable de la camionnette pour le transport de l’équipe sur le trajet Manosque Cadarache Manosque était littéralement malade. Il craignait de se faire voler ce vieux véhicule et qu’on le tienne, lui, pour responsable du vol. Très vite il a craqué et il a appellé un correspondant de Travel-work pour rendre les clefs.
Nous devions donc également prendre en charge ces 9 gars pour qu’il puissent bouger un minimum… Donc le produit de la caisse de solidarité mis en place par la CGT a été géré par une assistance sociale. Leur caisse n’ était plus vide, mais la situation guère reluisante … terriblement stressante pour eux… Nous les avons inscrits à des cours d’alphabétisation et fait témoigner devant un inspecteur du travail et à la HALDE.
L’inspection du travail a effectué une enquête sur le RJH. Ce qui à permis à la CGT de coincer le PDG de la SAMT de Saint Chamas, qui est arrivé sur le chantier au volant de sa Maseratti immatriculée au Luxembourg. Mais nous avions également fait appel aux caméras de FR3, et la presse papier aussi s’en est mélée. Le patron de la SAMT a bien été contraint de négocier avec en face de lui la CGT Cadarache, la CGT Manosque, le syndicat national CGT des intérimaires, et l’Union Départementale CGT des Bouches du Rhône.
Au final, nos 9 Portugais d’origine africaine ont touché l’intégralité de leur salaire couvert par leur contrat de travail, et son repartis chez eux au Portugal, en bus avec un billet payé par Travel-works, leur employeur
Les contacts que nous avons eu ensuite avec certains d’entre eux me permettent d’affirmer que plusieurs de ces travailleurs déracinés » sont revenus travailler en France pour se retrouver dans ces mêmes abjectes conditions avec sur- exploitation et arnaque aux caisses de cotisations sociales. Une arnaque aux ramifications internationales comme à Flamanville. Des ‘montages’ qui pénalisent tous les salariés et tous les contribuables en faisant subir aux plus démunis des conditions de vie et de travail inhumaines. Des « entorses » pour utiliser le langage des patrons utilisé dans le nucléaire comme pratiquement dans tous les gros chantiers payés par l’Etat, placés sous la responsabilité d’EDF, du CEA, d’AREVA, de la SNCF, de la RATP… En bon français cela s’appelle du syphonage de fonds et de la délinquance d’entreprise.
Alain : A Cadarache, le chantier international d’ITER avec ses millions et millions d’euros est un chantier qui s’étalera sur des decennies… Que nous réserve la sous traitance sur ITER?
Christian : Sur ITER les sous-traitants organisent des chantiers » clos et indépendants ». Ce qui complique la récolte et le croisement d’informations. Nous aurons l’occasion d’en reparler…
* Exemple de la propagande transparente en coupé/ collé repiquée sur le site de la SAMT
* les armaturiers
Chez nous, le métier est encore et toujours la propriété des hommes. Nos équipes de compagnons qualifiés, spécialistes de la mise en œuvre d’armatures et dirigées par des hommes d’expérience, transforment et assemblent en un temps record de gigantesques quantités d’acier. Chaque chantier est pour nous un nouveau défi.
Techniciens, conducteurs de travaux, chefs de chantier, décortiqueurs, façonneurs, ferrailleurs, attacheurs… tous œuvrent avec conscience, passion, dévouement et abnégation. Coupe, façonnage, cadre, barre droite, étrier, épingle, chaise, contrefiche, cerce, frette, équerre, ancrage, attente… disparaissent sous des tonnes de béton que nous rêverions transparent.