Les ravages de l’éthanol et des huiles végétales carburants
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( juillet 2008)
Entre 2002 et février 2008, les prix des produits alimentaires se sont renchéris de 140%. Cette inflation a plongé des centaines de millions de personnes dans la misère et la malnutrition. Il s’est trouvé des commentateurs pour montrer du doigt les Chinois qui, gagnant mieux leur vie et mangeant à leur faim, amplifiaient la demande et faisaient monter les prix. D’autres y ont vu la conséquence directe du renchérissement du pétrole et des engrais.
Or dès avril, une étude de la Banque mondiale avait fait justice de ces arguments, que les communicants de la Maison Blanche distillaient à l’envi. Pour les trois quarts, indique cette étude, la hausse des prix des produits alimentaires est imputable à la transformation des céréales en biocarburants, tant aux Etats-Unis que dans l’Union européenne. Le renchérissement des engrais et de l’énergie a compté pour environ 15%. L’amélioration du pouvoir d’achat dans les pays en développement n’a pratiquement pas eu d’effet sur les prix.
Le quotidien britannique « The Guardian », qui a pu se procurer cette étude, précise qu’elle est restée confidentielle parce que sa publication aurait envenimé les relations entre la Banque mondiale et la Maison Blanche. Le gouvernement des Etats-Unis soutient que cette activité, qui engloutit le tiers du maïs américain, n’est responsable de la hausse des prix des produits alimentaires qu’à hauteur de 3% de celle-ci… Le FMI avait évoqué entre 20% et 30%.
Une responsabilité de 3% seulement, il fallait se pincer pour y croire. Les usines subventionnées d’éthanol dans l’Ohio ont démarré à l’automne 2006. La fulgurante ascension des cours du maïs a immédiatement suivi (cliquez sur le graphe pour l’agrandir). Et début 2007 ont éclaté au Mexique les premières émeutes de la faim.
Ainsi, dans une économie globalisée guidée par la spéculation et la communication, c’est à travers une fuite dans la presse que le monde est éclairé sur une des plus urgentes questions du moment. Et cela à la veille d’une réunion du G8 où les Etats-Unis et l’Union européenne pourront faire cause commune. Washington subventionne la production d’éthanol à partir du maïs. Quant à l’Union européenne, elle s’est fixé un objectif pour 2020 : les biocarburants devront alors représenter 10% des carburants automobiles (1). Elle y consacre déjà la moitié de sa production d’huiles végétales.
(1) Cette part avait été fixée à 20% dans la directive européenne de 2003.